Une étape cruciale accompagne tout processus révolutionnaire de masse. Elle est atteinte à l'instant où le mépris des foules envers ses élites se substitue définitivement à la simple défiance. Celui où la dernière once de crédibilité qu'il restait aux castes dirigeantes s'évapore pour de bon au contact de la réalité. Le lien de subordination imaginaire entre elles et le peuples se rompt soudainement. Elle aboutit le plus souvent à l'élimination pure et simple sinon physique, au moins symbolique de leurs représentants.
Pas étonnant donc que ces élites de pouvoir, ces 1% qui commandent aux 99% restants se démènent pour sauvegarder cette déférence du peuple à leur égard. Toutes main dans la main, plus médiocres les unes que les autres, elles s'acharnent à maintenir en place le système qui les nourrit. Qu'elles soient juridiques, politiques, économiques ou bien médiatiques, elles tentent de se parer d'un statut supérieur, quasi-mystique. Chacune d'elles rivalise d'ingéniosité quant aux artifices employés pour y parvenir.
C'est peut-être dans la Justice que la mascarade légitimante est la plus grossière. Dans de majestueux tribunaux-théâtres la vérité des juges est assénée au milieu d'une authentique mise en scène. Avec ses acteurs, ses rôles, ses souffleurs, ses costumes et son scénario. Cette pièce solennelle, presque rituelle, impressionne à loisir le modeste justiciable.
Au spectacle d'un tribunal s'ajoute le prestige du raisonnement juridique. Apparemment sans faille, le syllogisme (majeure: loi – mineure: cas d'espèce - conclusion) tend à légitimer définitivement les décisions rendues.
Pourtant derrière le jargon juridique et l'énoncé de grands principes qui semblent s'imbriquer les uns dans les autres de la plus parfaite des façons se situe pourtant l'interprétation du juge. Procédé arbitraire, subjectif, mais qui constitue bel et bien le fondement de tout raisonnement juridique. Sa simple présence sape à elle seule toute prétention d'objectivité de la Justice. Le jugement rendu n'est jamais l'aboutissement du cheminement logique, implacable, qu'il prétend être.
Tout cela est bien sûr soigneusement dissimulé et la vérité qui sort de la bouche du juge paraît s'imposer d'elle-même, presque transcendantale.
Un recours est souvent possible, mais il ne consiste finalement qu'à réitérer ce procédé artificiel et trompeur ailleurs, dans un autre tribunal. Certes plus imposant, mieux fréquenté, plus cher aussi: plus légitime en somme! Mais souffrant bel et bien des mêmes vices structurels.
Au delà-même de son application par le juge, il faut comprendre que la loi en elle-même jouit d'une légitimité surfaite qu'elle ne mérite pas. Œuvre du législateur, émanation de la volonté générale, elle est présentée comme on ne peut plus légitime et ne saurait en théorie être remise en question. Les esthètes du Droit lui vouent d'ailleurs un véritable culte: Est bon ce qui est conforme à la loi.
C'est oublier bien vite le vulgaire écran auquel le Droit se réduit. Interface factice entre une élite politique et le peuple auquel elle commande, le Droit est devenu l'instrument de soumission, le « passe-partout » universel de nos Etats modernes. Si la volonté politique à l'origine du Droit est mauvaise, le Droit en tant que simple outil inanimé, sera nécessairement mauvais. Il est important de réaliser que la conformité au Droit n'a aucune valeur en soi.
Et justement dans le domaine de la représentation politique, c'est par le vote que la légitimité prétend s'obtenir. Pourtant un vote n'a de quelconque valeur que s'il est un acte éclairé. Tel n'est évidemment pas le cas dans nos « démocraties » d'opinion et de marché.
Les ravages de l'individualisme et de la société de consommation ont définitivement substitué le consommateur au citoyen. L'immense majorité de la population, peu politisée, désintéressée de la chose publique n'est clairement pas en mesure de désigner ses représentants autrement qu'elle choisirait le favori d'une émission de télé-réalité. Le vote n'est plus rationnel et idéologique (l'a-t-il déjà été ?). Il est désormais intégralement soumis à la « com' », totalement psychologisé, aisément orienté par le traitement médiatique qui est réservé aux différentes formations et à leurs candidats respectifs. Quand on sait quel est le degré de partialité éhontée des médias ainsi que les intérêts qu'ils défendent, on se demande alors ce qu'il peut bien rester de la légitimité supposée de ces élus.
A propos de la caste politique en place, il est d'ailleurs amusant que son maître-mot par les temps qui courent soit « compétence ».
La France est ruinée par les marchés auxquels elle s'est soumise en 1973. Elle est enfermée dans le carcan de l'UE qui lui impose un ultra-libéralisme suicidaire. Elle est le lieu d'une dramatique crise sociale. A laquelle s'ajoute une crise ethnique, provoquée par une politique d'immigration irraisonnée et une intégration dont on se demande si elle n'a pas été purement et simplement programmée pour être un échec. Elle a abandonné toute idée de communauté nationale et sombré dans un individualisme et un tout-marchand des plus consternants.
Et pourtant, malgré ce bilan tragique, l'UMP comme le PS ne cessent de clamer leur « compétence ». Comment un Sarkozy qui a aggravé à lui seul le déficit public de 500 milliards d'euros ces 5 dernières années peut encore se permettre un ton si condescendant à l'égard de ceux qu'il qualifie de « populistes irresponsables » ? Comment avec un tel aplomb et une telle suffisance cette élite ratée peut encore se prétendre « compétente » ?
Mais c'est sûrement le petit monde médiatique qui joue de son statut de la manière la plus sournoise et insupportable. Ce procédé est malheureusement diablement efficace. Les médias de masse font véritablement la pluie et le beau temps dans l'opinion publique. Il est incroyable de voir à quel point l'assertion la plus absurde et infondée devient un argument d'autorité incontestable une fois qu'elle a franchi le filtre d'un JT de TF1 ou France 2.
Là où la caste politique se prétend « compétente », la caste médiatique quant à elle se déclare, avec beaucoup d'humour, « indépendante ».
Non contents d'être entièrement vendus à quelques groupes financiers facilement identifiables, les médias de masse sont tout simplement devenus les chiens de garde de la pensée unique. A la moindre incartade repérée la meute se met à aboyer si furieusement que ceux qui en font les frais sont le plus souvent salis et marginalisés à vie.
La mémorable levée de boucliers suite au fameux sketch de Dieudonné en est l'exemple typique: en 3 jours, la bien-pensance médiatique a réussi l'exploit de faire d'un militant antiraciste de gauche, un monstrueux antisémite d'extrême-droite.
Plus récemment c'est la repentance surréaliste de l'animateur Eric Mazet sur le plateau de Morandini, promu inquisiteur en chef pour l'occasion, qui laisse un goût bien amer.
Sans l'indignation collective et surjouée de quelques pontes médiatiques et communautaristes, il est probable que personne n'aurait relevé là un quelconque blasphème. Les prétendus scandales dénoncés par les médias sont en réalité créés de toutes pièces puis suggérés à la population. Elle est ainsi à incitée à se révolter avec eux par pur réflexe pavlovien. Il est d'ailleurs frappant de constater régulièrement le décalage qui existe entre l'opinion dispensée par les médias et la réception qui en est faite par un peuple dans lequel subsiste encore malgré tout une once de lucidité.
Entre deux séances d'abrutissement collectif, on assiste parfois à l'acte héroïque, humaniste et éminemment intègre d'un Ruquier qui consiste à refuser de recevoir une candidate des plus sérieuses à l'élection présidentielle sur son plateau puis consacrer une émission entière à cracher dessus en son absence.
Quant à un Drücker, il semble parfaitement assumer d'ignorer purement et simplement l'exigence de neutralité du service public. Seront contents de le savoir les 20% de contribuables ainsi bafoués, qui financent pourtant la diarrhée télévisuelle qu'il nous inflige chaque dimanche.
Mais le rôle des médias ne se limite pas à sa lutte sans relâche contre une hypothétique résurgence de la Bête immonde, loin de là!
Il consiste également à donner la parole aux plus formidables incompétents qu'on puisse trouver. C'est ainsi qu'un Alain Minc, prétendu économiste a encore droit à la parole sur tous les sujets économiques. Alors que chacun de ses diagnostics depuis des années s'est avéré être l'exact contraire de la réalité. Il défendait en effet il y a encore quelques mois l'idée selon laquelle une fin de l'euro relevait du fantasme le plus complet et tournait en ridicule les allégations contraires.
L'élite médiatique c'est aussi celle qui nous a soutenu mordicus que l'Irak croulait sous les armes de destruction massive. Et pas échaudée le moins du monde, elle récidive aujourd'hui avec l'Iran.
A contrario elle omet étrangement de nous parler des centaines de crimes racistes anti-noirs perpétrés en ce moment-même par les rebelles du CNT en Libye. Ceux-là mêmes que notre va-t-guerre de président a soutenus, et ce avec une approbation médiatique unanime.
Les célèbres traductions mensongères dans les reportages des différents JT, que des internautes facétieux se font une joie de mettre en évidence, sont quant à elles de véritables perles.
La boucle est bouclée avec la construction d'une opposition des plus factices. Cette entreprise passe par la mise en avant de subversifs en carton-pâte du genre d'un Ariel Wizman ou d'un Stéphane Guillon. Du haut de leurs poncifs et banalités désolantes, noyés dans un politiquement correct faussement provocateur, ils feignent d'incarner la libre-parole et la dissidence. Ces résistants aux petits bras restent en réalité sagement dans le cadre que la bien-pensance leur impose. Même un Zemmour, un peu plus respectable et cultivé prend bien garde à ne pas franchir la ligne jaune. Quand aux Guignols de Canal, leur rôle objectif est de systématiquement tourner en ridicule tous les sujets sérieux qui mériteraient au contraire d'être décryptés en profondeur.
A l'inverse les Soral, les Meyssan, les Chouard, véritablement dérangeants eux, ont été immédiatement remercié dès qu'ils ont commencé à s'aventurer sur les vrais terrains sensibles, les sujets qui fâchent, et pas pour de faux!
Chaque jour on ne peut que constater davantage la bassesse de ces prétendues élites. La relative respectabilité dont elles jouissent encore dans l'inconscient collectif n'est justifiée par rien. Elles ne se maintiennent que par la tromperie, agrémentée d'un paraître des plus mensongers. Liées les unes aux autres par une idéologie commune, elles imposent leur standards de pensée. Lesquels se révèlent être plus pervers de jour en jour.
Cette dictature de la pensée, car c'est de ça qu'il s'agit, est peut-être la plus dangereuse qu'on ait connue. Car c'est la plus douce, la plus imperceptible. Sa domination ne passe plus par la force brute. Toute velléité révolutionnaire est coupée à la racine par la société de consommation. Quel meilleur moyen pour combattre un peuple potentiellement révolutionnaire que de le transformer en un consommariat malléable, émasculé, mais aussi culpabilisé et déraciné, prêt à toutes les compromissions pour préserver son petit confort égoïste, ses loisirs futiles.
Les sirènes de l'individualisme béat résonnent pour chacun d'entre nous. Mais il est de notre devoir de les combattre. D'ébranler cette police de la pensée. Et de réaliser enfin que nous sommes parfaitement aptes à nous saisir de la chose publique, tout aussi compétents que ceux à qui, depuis des années, par résignation, nous avons délégué notre pensée, notre identité et notre souveraineté!
"Quant à un Drücker, il semble parfaitement assumer d'ignorer purement et simplement l'exigence de neutralité du service public. Seront contents de le savoir les 20% de contribuables ainsi bafoués, qui financent pourtant la diarrhée télévisuelle qu'il nous inflige chaque dimanche"
RépondreSupprimerJ'applaudis !
Pour corroborer tes propos, le seul animateur qui recevait des gens comme Soral ou d'autres ayant des opinions diverses, fut Taddei, dont l'émission a été tout bonnement, et surement non sans consigne, supprimée ! Nous voilà donc avec Yves Calvi, dont la loi sur le partage du temps de parole (miette concédée au peuple) oblige à innover niveau invités, tout en respectant bien sûr un 5 contre 1 relevant du procès d'intention contre les "mauvais-penseurs" :)
RépondreSupprimerTrès bon article. ;)
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